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L'écriture de billets de blog est l'ADN de Prise de Terre  depuis bientôt 15 ans  :

 

  • articles de fonds,
  • techniques,
  • retours d'expériences,
  • réflexions, partages divers,

 

C'est une quantité non négligeable de contenus originaux, une base solide pour comprendre les fondamentaux et bien débuter en permaculture et agroforesterie. 

 

Les posts furent également le préalable à la rédaction du livre "Cultiver dans le monde de demain" !  Nous partageons également sur les réseaux sociaux, suivez-nous !

Introduction au design : la méthode BOLRADIME (2/3)

29/03/2024

Introduction au design : la méthode BOLRADIME (2/3)

Après avoir entamé le processus de design aux étapes B (buts) et O (Observation), nous allons continuer à faire le focus du global au détail.

Nous avons vu ce que nous voulions (Buts, objectifs), et commencé à faire l'inventaire de ce que nous avions sur place (Observation). Il nous reste à approfondir désormais les points limitants et positifs de notre projet, et commencer à en faire une critique constructive et proactive.

 

#3- Limites

 

 

Cette étape se vit en miroir avec celle qui suit, les ressources.

Nous allons mettre l'accent sur ce qui risque de poser soucis, non pour se morfondre mais pour anticiper des stratégies et des ajustements nécessaires. Il vaut toujours mieux lever les loups et gérer les problèmes et déséquilibres en amont, pas une fois que le projet est réalisé ou en cours !

 

Les limites à définir peuvent être matérielles :

  • limites du terrain : bornes, murs, ruisseau, ...

  • surface du terrain : trop vaste (grave), trop petit (moins grave)

  • forme du terrain : morcelé, encaissé

  • topographie : trop plat, trop pentu

  • voies d'accès : plus ou poins pentues, mal carrossées, accès difficile, ....

  • localisation : ville/campagne/très peuplé/désert

  • le voisinage : pollution visuelle ou sonore, voisins et élus locaux peu accueillants et coopératifs. Nous verrons que le voisinage peut (doit) être également une ressource riche.

  • risques naturels

  • sol, climat difficile

  • etc

 

Les limites peuvent (et sont) tout aussi bien immatérielles en ce qui concerne l'environnement :

  • règlementation (zones ZNIEFF, bâtiments de France, terrain militaire, etc).

  • contexte économique défavorable (pas ou peu d'emplois, de richesses, éloignement des centres urbains, ...)

 

Mais aussi (et surtout) le(s) porteur(s) de projet :

  • santé, capacité physique, âge

  • expérience, formation

  • temps à consacrer au projet (travail à temps plein, obligations familiales, associatives etc)

  • nombre de personnes pour réaliser et entretenir le système

  • budget. Si faible, il va falloir vous organiser différemment et partir de la conclusion que ça va prendre plus de temps...

  • détermination et pugnacité. Pourquoi on n'utilise plus assez ce mot d'ailleurs ?

 

Cet inventaire à la Prévert des catastrophes potentielles est un gros morceau, pas le plus sympa mais tellement INDISPENSABLE. Point de négativité gratuite, ici on tente de sortir du rêve et de se frotter à la réalité du terrain et à la notre. Et de voir si les deux sont compatibles.

Anticiper les problèmes va vous permettre de faire le tri sur les limites surmontables et celles qui ne le sont pas, ou alors contre une forte dépense d'énergie et/ou d'argent. Et in fine se poser les bonnes questions, du style : "est-ce que ça vaut le coup ?", pour vous interroger sur vos objectifs pour éventuellement les redéfinir, les adapter ou carrément changer de projet ou de lieu. Pour un projet de vie personnel mais surtout collectif ou familial, on ne peut décemment pas en faire l'économie (prendre soin de l'Humain, toussa).

 

#4- Ressources

 

 

MAIS, l'autre face de la médaille c'est que vous regorgez aussi de ressources personnelles, et sur le lieu. Et il est intéressant de les lister car elles représentent tout ce qui peut vous aider dans votre projet 

 

Comme les limites, elles peuvent être matérielles :

  • ressources en eau : puits, source, ruisseau

  • arbres fruitiers

  • biodiversité forte

  • sol de très belle qualité

  • bâtiments existants et utilisables

  • accès nombreux et en bon état

  • etc

 

Et toujours aussi immatérielles :

  • connaissances et savoir-faire

  • capacités physiques

  • du temps à consacrer au projet

  • voisinage : amical et aidant (agriculteurs donnant du fumier, mamie d'à côté qui fait des confitures ou donne des œufs, etc). Le tissu social local est fondamental dans la résilience et la survie à long terme de votre projet. Mais, telle une petite plantule, ce n'est qu'en en prenant soin et en l'arrosant régulièrement qu'elle pourra pousser et grandir durablement. C'est aussi votre travail.

  • budget conséquent (emprunt, capital disponible, etc)

  • tissu local associatif, militant et actif

  • etc

 

Comme dans la partie "limites", cet inventaire (positif cette fois !) va nous permettre de redéfinir notre projet à l'aune des potentialités présentes : rajouter des éléments, des objectifs, actualiser à la baisse certains temps de travaux, regagner confiance.

 

#5- Analyse

 

Rappel : A ce stade, on sait ce qu'on veut (Buts), on sait ce qu'on a (Observation), on connaît nos points de vigilance (Limites) et nos atouts (Ressources).

On a donc une quantité d'informations importante à traiter. La phase d'Analyse va nous permettre d'utiliser tous ces datas pour organiser au mieux un système cohérent entre nos objectifs, nos moyens et le site. Et de placer (enfin) les éléments à leur place définitive.

 

  • la carte des secteurs : comme déjà vue au chapitre précédent, elle compile beaucoup d'informations sur le lieu et surtout sur les flux qui le traverse (soleil, vents, air froid, eau, mais aussi bruits dérangeants, cônes visuels à favoriser ou au contraire à cacher, etc). Elle est déjà une ressource très importante qu'il faudra utiliser pour placer nos éléments (ou non d'ailleurs).

  • le zonage :

 

 

La permaculture est un outil d'optimisation énergétique. Or, la première énergie que l'on injecte dans le système, ce sont nos simples déplacements et par ricochet ceux des matières et des flux.

 

Prenons l'exemple du poulailler. On sait qu'à priori on va y aller 2 fois/jour (pour ouvrir/fermer et ramasser les œufs). Si le poulailler n'est qu'à 5 mètres de la maison, cela représente (5x4)x365 = 7,3 km/an. Si on l'a placé plus loin, mettons 15m (ce qui n'est pas encore énorme), on arrive déjà à presque 22 km !

Ça marche aussi avec le volume horaire : s'il est à 10 secondes de la maison, cela représente environ 4 heures annuellement et près de 12h/an s'il est à 30 secondes de marche !!

 

Et ce qui est bon pour le poulailler l'est pour tout le reste : potager, compost, verger et animaux divers etc... Attention à ne pas s'épuiser et rester dans la 1ère éthique "Prendre soin de l'Humain" ...

 

On va donc créer une typologie de "zones" inversement proportionnelles à l'intensité énergétique que l'on va y mettre (et donc à la proximité de la maison), voir figure ci-dessus.

Je le développerais bien plus dans un prochain article. C'est une base en permaculture qui passe souvent à la trappe alors que c'est un outil puissant et très intéressant pour l'organisation spatiale et la stratégie globale du système...

 

    • L'analyse fonctionnelle

 

L'objectif du design, comme l'expliquait Mollison, est de "boucler la boucle" : faire que les besoins de certains éléments soient remplis par les besoins des autres, créer un système "fermé" le plus autonome avec le moins d'entretien et de maintenance possible.

Il faut donc pour cela déterminer pour chaque élément ses besoins et ses produits/fonctions et voir ensuite quel autre élément pourra remplir ses besoins ou utiliser ses produits.

 

Exemple classique avec la poule, le couteau-suisse du permaculteur :)

 

 

Cet exercice peut/doit être fait pour tous les éléments et ainsi les interrelations vont apparaître d'elles-même.

 

NB : Les éléments à mettre en place dépendent bien sûr de vos objectifs, de votre lieu et de l'utilisation que vous en faites. Néanmoins, voici des éléments de base que l'on retrouve très souvent : la maison, le poulailler, la serre, le potager, le compost, verger, la mare, etc.

 

Une fois que l'on a repéré par des flèches les éléments qui remplissent les besoins des autres par leurs produits ou fonctions, on a une vision claire de ceux qu'on doit mettre ensemble, ou le plus près possible pour que les synergies soient les plus efficaces. C'est très net pour des éléments comme le poulailler, la serre, le potager.

 

Exemples :

=> si l'on décide d'utiliser la fumure des poules pour le jardin, on placera le poulailler le plus près possible (pas dedans !!)

=> on peut utiliser une partie de la serre comme abri pour les poules

=> on peut décider de placer le composteur dans la serre également (accélération du compostage, ressources nombreuses, et pourquoi pas utilisation des vers de terreau pour nourrir les poules, etc...

=> on peut décider d'utiliser l'eau de récupération de la serre pour les poules, l'arrosage ou même stockage dans la serre également pour de l'inertie thermique, etc.

 

Les informations données par le zonage, la carte des secteurs et l'analyse fonctionnelle nous permettent d'avoir un cadre dans lequel il ne nous reste plus qu'à nous amuser, imaginer des stratégies. Je vois toujours cela comme un jeu de de réflexion, un puzzle biologique !

 

Conclusion 

 

  1. on sait ce qu'on veut

  2. on sait ce qu'on a (avantages et inconvénients)

  3. on sait où placer les choses

  4. ne reste plus qu'à le formaliser par un plan, un "design" et entrevoir le futur. Mais ça, c'est pour le prochain article ;)

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